Mars et ca repart
Muscler ses compétences émotionnelles pour un meilleur travail d’équipe
Les circonstances actuelles, télétravail, distanciation sociale, met à l’épreuve les êtres sociaux que nous sommes. Nous sommes en train de vivre une situation extrême.
Une situation extrême est définie par trois choses (Bouty et al, 2015):
– Les changements constants
– L’incertitude
– Des risques, parfois vitaux
Plus encore aujourd’hui, dans ce contexte changeant, incertain et risqué, les émotions sont indispensables car elles permettent de rendre possible l’action collective. On ne peut les nier.
Pour cela il est intéressant de s’intéresser au concept de résilience organisationnelle, c’est-à-dire comprendre comment est-ce qu’on arrive à être ensemble au-delà des perturbations. Comment peut-on aujourd’hui optimiser par exemple le travail d’équipe malgré les écrans ? Comment trouver des solutions pour dépasser cette situation professionnelle difficile ?
1- Reconnaître l’importance des émotions dans le travail en équipe lors de situations extrêmes
Les émotions sont des ressources, et il me faut insister là-dessus.
Il y a depuis longtemps l’idée reçue que dans le travail, les émotions sont liées à une perte de maîtrise de soi, à un débordement donc c’est un sujet à éviter. Une colère, une tristesse, un regret chez soi ou chez un collègue se révèlerait donc une information à ne surtout pas relever, ne surtout pas analyser, ne surtout pas utiliser, sous peine d’ouvrir les vannes de la vie émotionnelle et de pénaliser le travail d’équipe.
Et bien, c’est faux ! L’émotion est avant tout une information et cette information va nous permettre, une fois bien identifiée, de mettre en place une action adaptée. Vous conviendrez par exemple que ne réagiriez absolument pas de la même façon si un collègue est déçu ou s’il est en colère …
Pour un bon travail d’équipe, il faut savoir développer cette finesse-là : apprendre à déceler l’état émotionnel de l’autre permet de savoir comment nous positionner, que faire pour justement que cela ne nuise pas au travail d’équipe.
Prenez l’exemple des musiciens. Si vous observez un orchestre, vous remarquerez qu’ils ont une capacité extrêmement fine de reconnaître des intentions avant même qu’elles ne soient complètement exprimées. Cela leur permet de s’ajuster, de s’accorder ; de jouer ensemble. Cet exemple est transposable dans tous les travaux d’équipe que vous avez à mener, quel que soit votre univers professionnel.
L’émotion est donc une ressource, à condition de pouvoir l’identifier, la comprendre et l’utiliser.
Il est vrai qu’autant le quotient intellectuel est quelque chose de présenté comme une donnée sur laquelle on a peu de prise, donc quelque peu enfermant, autant le quotient émotionnel (Bradburry & Greaves, 2009) est une capacité qui va évoluer toute votre vie, à condition que vous vous entraîniez. Ça nous permet d’avancer, de progresser.
Nous sommes tous très inégaux sur le sujet mais nous pouvons tous nous muscler émotionnellement !
2- Muscler ses compétences émotionnelles
Dans ce sport supposé vous aider à décrypter votre vie intérieure et votre vie extérieure et à agir de manière plus accordée, je vous propose deux étapes : la pause (en premier, et oui !!) et l’action.
Mettre sur pause permet bien identifier sa propre émotion ou celle d’autrui, il est indispensable d’observer. Par exemple, cette année, on a été relativement bousculés par la crise sanitaire et on a dû mettre de nouvelles actions en place, de nouvelles habitudes. Comment vous sentez-vous par rapport à tout cela ? Que ressentez-vous ? Je vous propose d’essayer du sortir du binaire et simpliste duo heureux/ malheureux pour découvrir cette liste plus fournie, bien qu’incomplète. Prenez acte régulièrement , à travers le verbal et le non verbal, des émotions des gens qui vous entourent. Essayez de développer cette capacité d’évaluation pour vous-même et pour autrui. Pour certains ce sera très facile, pour d’autres bien moins évident. Mais comme je l’ai dit, l’entraînement permet à coup sûr de progresser. Lorsque vous êtes en situation, demandez-vous quelle est l’émotion ressentie. Par exemple, vous sortez d’une discussion agitée avec un collègue, vous sentez-vous contrarié ? intimidé ? inquiet ? amer ? Essayez de trouver le mot le plus en phase avec votre ressenti intérieur.
Cela vous permettra ensuite de développer une action adéquate. De cette reconnaissance des émotions va découler plusieurs choses : les comprendre, les utiliser, les exprimer et les apprendre à les gérer. C’est ce qu’on appelle les compétences émotionnelles. Disposer de solides compétences émotionnelles est le meilleur rempart contre le stress. Plus vous êtes musclé émotionnellement plus vous supporterez des périodes de stress sans trop vous abîmer.
Voilà ce en quoi en consiste les compétences émotionnelles :
Pouvoir Identifier correctement ses émotions : (son stress, son énervement, sa déception, sa colère, etc.) est essentiel car cela permet ensuite de les verbaliser. Cela aide votre collègue par exemple de savoir à quoi s’en tenir, à prévoir vos réactions (on ne réagit pas de la même façon quand on est triste ou en colère) et cela lui offre la possibilité d’agir pour modifier la situation AVANT que la conséquence s’ensuive. Il est crucial de pouvoir identifier précocement ses émotions déplaisantes car cela permet de les désamorcer plus rapidement avec un moindre coût psychique
Comprendre ses émotions implique de pouvoir faire la différence entre le déclencheur de l’émotion et sa cause profonde. Exemple : journée difficile de télétravail, de nombreuses réunions, un malentendu avec un collègue qui vous a engendré un surcroît de travail. Le soir, alors que vous êtes occupé à lancer le diner et ranger le salon, votre enfant n’arrête pas de vous solliciter. Vous lui dites que vous êtes occupé mais il fait la sourde oreille. Un moment donné, vous explosez. Si vous ne comprenez pas bien vos émotions, vous penserez que votre enfant est la cause de votre énervement et vous risquer de vous fâcher et de le punir exagérément. Cela ne sera pas le cas si vous comprenez qu’il n’est que le déclencheur d’un énervement qui a couvé toute la journée. Lorsque l’on s’efforce de rechercher la cause profonde derrière le déclencheur, on constate que nos enfants, ou notre conjoint, font souvent les frais d’émotions qui trouvent leur source ailleurs (stress au travail, insatisfaction de vie, tensions extrafamiliales). Comprendre les émotions de nos enfants et le fait que, parfois ils explosent au retour à la maison en raison de leur journée d’école, des frustrations ou des disputes vécues ailleurs, est tout aussi salvateur d’ailleurs.
Utiliser ses émotions permet de profiter du message qu’elles véhiculent pour prendre soin de soi. Utiliser ses émotions implique par exemple de ne pas se borner à constater que l’on est souvent irritable en rentrant du travail, mais à mettre des choses en place pour que cela change. Souvent ce sont autant de signes précurseurs à l’épuisement que l’on ignore.
Exprimer ses émotions de manière constructive est tout un art qui s’apprend et qui simplifie considérablement les relations. Si exprimer ses émotions (au bon moment, à la bonne personne, de la bonne manière) est essentiel, permettre à ses proches et notamment à ses collègues d’exprimer les leurs et tout aussi important. Par exemple, un collègue qui est entendu dans ses difficultés, acceptera beaucoup plus volontiers la contrainte qu’un collègue qui n’est pas entendu.
Pouvoir gérer ses émotions lorsque c’est nécessaire en utilisant des stratégies constructives (par ex : réduire les sources de stress, accepter que tout ne peut pas aller parfaitement tout le temps, respirer) plutôt que destructrices (ruminer, crier, abuser de l’alcool ou des médicaments) aide à résister aux nombreuses et inévitables sources de stress qui jalonnent la vie d’adulte.
Conclusion :
En cette situation extrême de crise sanitaire, il est indispensable de faire bloc, de réveiller l’humanité qui est en chacun de nous. Remettre nos émotions au cœur de nos entreprises, de nos familles est un chantier qui nécessite du temps mais qui porte de nombreux fruits !